La petite jupe noire : Du croquis à la penderie
Au-delà de me prendre pour la future Coco Chanel du Maine et Loire, j’essaye de profiter au maximum de mon stage chez un sous-traitant en confection de luxe pour ouvrir grand mes yeux et mes oreilles et comprendre comment se passe la fabrication d’un vêtement haute couture et le fonctionnement des ateliers de confection textile.
Attention, ce témoignage est le reflet de ce que j’ai pu observer lors de mon stage. Loin de moi l’idée d’en tirer des généralités ; ça se passe peut-être (surement) autrement ailleurs ...
Mais revenons à nos boutons ….
Déjà, pourquoi un sous-traitant en confection ?
La majorité des maisons de haute couture délèguent la fabrication de leurs vêtements à des sous-traitants. Car même si les modèles sont designés et pensés dans les ateliers des grands couturiers, leur réalisation est sous traitée. On reste toutefois dans le made in France car les sous-traitant sont des (petits) ateliers français, travaillant avec un niveau d’exigence et une minutie rare.
Ceci est vrai pour leurs gammes de « prêt à porter ». La partie sur mesure et les collections pour les défilés continuent à être fait dans les ateliers des créateurs.
Alors comment ces vêtements de luxe arrivent-ils dans les boutiques ?
Hier, une adorable (et quand je dis adorable, c’est un euphémisme) petite jupe noire – toujours d’une grande marque de luxe français – est arrivée à l’atelier.
L’idée de cette petite jupe a germé dans la tête du styliste de la maison de couture qui en a dessiné un croquis. Celui-ci a été transmis (ainsi que des compléments d’informations techniques sur le type de tissu, les détails éventuels, le choix des boutons, du zip etc …) au prototypiste qui – puisque c’est son métier – en a fabriqué un prototype.
Ce prototype est ensuite passé entre les mains du modéliste qui a créé le patron correspondant et l’a gradué en différentes tailles.
Et c’est à partir de ce moment que le sous-traitant intervient.
La maison de couture lui envoie l’ensemble des éléments pour fabriquer ce modèle dans les quantités voulues : le dessin, le cahier des charges / patronage (patron qui comprend les marges de couture), le tissu, les fournitures et le prototype.
Moi qui vivais depuis de nombreuses années au pays de la réunionite aiguë, je m’attendais à ce qu’une belle réunion soit organisée à l’arrivée d’un nouveau modèle à coudre. Une grande réunion où tout le monde serait invité, où on admirerait la jolie jupe devant quelques viennoiseries et un café (je blague, ça je savais que ça n’arriverait pas !) et où on nous présenterait le modèle, la gamme de montage, les difficultés techniques et comment les contourner.
Mais ça, c’était si AstraZeneca se lançait dans la confection !
Dans la vraie vie de l’industrie textile, la chef d’atelier reçoit le modèle et le confie à quelques ouvrières qui décortiquent le prototype pour comprendre comment il est monté et tenter de le reproduire.
Car à ma grande surprise – dans cet exemple précis, je ne veux pas faire de généralités – il n’y a pas de gamme opératoire de montage, juste le prototype et des sections des différentes coutures finies.
J’ai adoré, même si je n’y ai participé que en tant qu’observatrice, cette effervescence dans l’atelier ; les discussions entre les filles, leurs questionnements, leurs hypothèses, les essais infructueux et LE moment où elles se disent, ça y est je crois qu’on le tient !
Finalement après une petite journée de réflexion et d’essais, un exemplaire est cousu et envoyé à la maison de couture qui valide ou envoie d’éventuels commentaires/correctifs. Puis la production peut commencer.
Pour cela la fabrication du vêtement est décomposée en différentes étapes qui sont réparties entre les différentes ouvrières.
Cette jupe sera réalisée en à peine une petite centaine d’exemplaires de la taille 34 à la taille 50.
Et oui, qui dit riche ne dit pas forcément mince même si 20 exemplaires sont fabriqués en 34 uniquement 2 pour la taille 50 !
La confection de l’ensemble des exemplaires de cette jupe va prendre environ 10/15 jours à une équipe à plein temps de 5 / 6 personnes dont une repasseuse dédiée et une couturière en charge uniquement du point main.
Mais le plus surprenant c’est que la jupe est déjà visible sur le site internet de la marque alors que nous venons à peine de la recevoir à l’atelier.
C’est ce qu’on appelle un circuit rapide !
Rendez-vous la semaine prochaine, pour ma 3ème semaine de stage et la troisième partie de vis ma vie. Au programme, le fonctionnement de l’atelier et les différents métiers qui le font vivre.
Comments