Les coulisses d'un atelier de confection
Maintenant que vous savez comment l’adorable petite jupe noire s’est retrouvée sur les étagères de boutiques dont je ne pourrais jamais passer la porte, je vous invite à entrer dans un atelier de confection et à regarder comment ça fonctionne.
Encore une fois, ce témoignage est le reflet de ce que j’ai pu observer lors de mon stage. Loin de moi l’idée d’en tirer des généralités. Tous les ateliers ne doivent pas fonctionner de la même façon.
Dans l'atelier qui m'accueille pour mon stage, nous sommes moins de 20 ouvrières (et oui, ici pas besoin d’utiliser l’écriture inclusive, il n’y a pas un gramme de testostérone dans les ateliers) : une dizaine de piqueuses machine, une piqueuse main et 3 repasseuses.
La structure étant très petite, la patronne fait également office de chef d’atelier / coupeuse / comptable / business developper et mécanicienne. Il faut être polyvalente quand on se lance dans la couture m’a-t-on dit !
Chaque ouvrière est en charge de la réalisation d’une partie du vêtement mais attention, dans l’atelier, on ne travaille pas à proprement parler à la chaine. Chaque ouvrière n’a pas une étape, mais plutôt un ensemble d’opérations à réaliser avant de passer le vêtement à sa voisine.
Chacun travaille à son rythme, même si une personne ne peut pas retarder l’ensemble de la chaîne. Les taches sont distribuées en fonction de l’expérience de chacune et du temps d’exécution des taches, afin que le process soit le plus « fluide » possible.
En effet, les piqueuses sont pour la plupart très qualifiées et savent tout faire. Mais certaines sont particulièrement expertes dans certaines étapes qu’elles maitrisent particulièrement, comme, par exemple, la pose des zips et seront souvent sollicitées pour cette étape.
Je parlais un peu plus haut de polyvalence. Il en faut vraiment car malgré leurs doigts de fées, toutes les piqueuses peuvent être amenées à réaliser les tachées « ingrates » comme la préparation et la pose des étiquettes, le surfilage ou autres étapes de préparation du vêtement.
Et quand je parle de doigts de fées, ce n'est pas juste une expression. En haute couture, la marge d’erreur acceptable est de l’ordre du millimètre – au singulier !
La semaine dernière J’ai dû coudre une pince de 17,5 cm de long. Pas 17,4 cm ni 17,6 cm, 17,5 cm pile - poil !
Ce que ma tutrice ne savait pas quand elle m’a donné cette couture à faire – couture faisant partie intégrante d’une robe à près de 10 000 € – c ’est que j’étais déjà hyper fière d’avoir piqué sur le bon côté, de ne pas avoir confondu l’endroit de l’envers, le haut du bas, de ne pas avoir fait de mariage, ni ripette (expression choletaise) et de ne pas avoir piqué la doublure en même temps que le tissu principal.
Alors pour moi être exactement à 17,5cm, c’était du bonus !
Surtout quand on a l’âme matheuse comme moi et qu’on se rend compte qu’un point fait environ 2/2,5 mm, donc un point de trop et on a déjà doublé la marge d’erreur acceptable ! Précisons que les machines industrielles (ici les JUKI (CP 180)) sont des vraies Rolls Royce mais hyper sensible de la pédale ….
D’ailleurs, on est tellement au millimètre près que le réglet est devenu mon meilleur ami, une sorte de prolongement de mon bras. Je passe ma vie à vérifier la longueur de mes coutures et l’écartement des plis ou autres pinces. Et quand je m’embête, j’en arrive même à mesurer les coutures de mes propres vêtements (je ne vous cache pas que les journées sont parfois longues :) ).
Accrochez-vous bien à vos épingles, car justement vous n’en trouverez pas dans les ateliers de confection !
En formation, les épingles étaient proscrites, je comprends mieux pourquoi.
Ici donc pas d’épingles, nos doigts (et les repères dans le tissu) sont sensés les remplacer.
Autre poste primordial, la repasseuse.
Je n’avais pas imaginé avant de débuter mon stage l’importance du repassage. Que ce soit en amont de la production pour les étapes de préparation (décatissage, thermocollage, marquage des plis et ourlets), en cours de fabrication ou au moment du repassage final.
La repasseuse « bichonne » le vêtement c’est à dit qu’elle parfait le vêtement en fin de production.
Une bonne repasseuse est capable de corriger les petites imperfections du montage d’un vêtement à coup de vapeur, de soufflerie et de refroidissement. Une vraie magicienne.
La repasseuse est également en charge du contrôle final du vêtement fini.
Enfin, une personne est en charge du point main. Ourlets, boutons, agrafes. Tout passe entre ses mains expertes.
Sur la première robe que j’ai cousue à l’atelier, il y avait près de 1h30 de couture à la main.
On commence à comprendre un peu mieux le prix des vêtements (même si je reste convaincu que celui-ci vient principalement de l’étiquette !).
Voilà, j’espère que la visite a été instructive. Pour ma part, je vais profiter d’un week-end bien mérité avant d’attaquer ma dernière semaine en immersion en haute couture !
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